Dès l'Antiquité, philosophes et expérimentateurs ont développé de multiples hypothèses sur la nature de la couleur et celle de la lumière- leurs principes de diffusion, de réfraction, la façon dont nous les percevons. Ces conceptions influençaient le travail des artistes, dont les recherches, à leur tour, contribuaient à modifier les sensibilités, à donner des orientations nouvelles aux définitions de la lumière, et à celles de la couleur.
Les principes d'une théorie moderne et systématique de la couleur ont ensuite pu être énoncés au XIXème siècle, grâce à la découverte du spectre chromatique par Isaac Newton à la fin du XVIIème siècle, qui démontrait à l'aide d'un prisme triangulaire que la lumière blanche du soleil se décompose en radiations de différentes longueurs d'ondes, prenant l'apparence d'un phénomène coloré semblable à celui de l'arc en ciel : la couleur est lumière.
La pratique artistique de la couleur s'appuie sur la somme des nombreuses connaissances réunies par ailleurs par les teinturiers, les physiologistes, les sémioticiens, les théologiens...
Les impressionnistes et les néo-impressionnistes, notamment, délaissèrent le clair-obscur classique, tel qu'on l'enseignait dans les académies de peinture, pour suivre les enseignements du chimiste Michel Eugène Chevreul, qui décrivit dans son ouvrage De la loi du contraste simultané des couleurs (1839) comment l'effet d'optique d'une valeur tonale est influencé de différentes manières, du fait du contraste qu'elle offre avec les couleurs qui lui sont juxtaposées, ce qui justifia pour les peintres l'utilisation des couleurs pures, le mélange s'opérant de lui même dans l'oeil du spectateur.
Outre les innovations dans le matériel du peintre qui favorisent le travail à l'extérieur et partant la prise directe, « sur le motif », de la lumière, le XIXème siècle a apporté un grand nombre de techniques qui ont contribué à l'éclaircissement ou même à l'illumination des toiles. Pour traduire la sensation naturelle du plein air, les peintres impressionnistes utilisent les couleurs spectrales du soleil: le bleu, le jaune, le rouge (les couleurs primaires), l'orangé, le violet et le vert, (leurs complémentaires) ainsi que leur tons intermédiaires et le blanc. Ils excluent les gris et les noirs, et substituent au clair-obscur traditionnel le jeu des reflets qui transforment les tons réels et colorent les ombres. Pour conserver la force des couleurs, ils n'opèrent pas de mélange sur la palette et fractionnent les tons clairs et froids sur la toile. La forme se confond avec le coup de pinceau. Le néo-impressionnisme, appelé aussi « pointillisme », conteste et rationalise ces acquis. Albert Dubois Pillet (1846-1903) est un peintre autodidacte, qui adapte le procédé pictural du divisionnisme au paysage et aux sujets naturalistes. Avec Seurat, Paul Signac et Odile Redon, il fonde en 1884 la société des Artistes indépendants.
Albert Dubois-Pillet
La Dame blanche
L'enterrement
Principes Sensations Claude Monet
Outre les innovations dans le matériel du peintre qui favorisent le travail à l'extérieur et partant la prise directe, « sur le motif », de la lumière, le XIXème siècle a apporté un grand nombre de techniques qui ont contribué à l'éclaircissement ou même à l'illumination des toiles. Pour traduire la sensation naturelle du plein air, les peintres impressionnistes utilisent les couleurs spectrales du soleil: le bleu, le jaune, le rouge (les couleurs primaires), l'orangé, le violet et le vert, (leurs complémentaires) ainsi que leur tons intermédiaires et le blanc. Ils excluent les gris et les noirs, et substituent au clair-obscur traditionnel le jeu des reflets qui transforment les tons réels et colorent les ombres. Pour conserver la force des couleurs, ils n'opèrent pas de mélange sur la palette et fractionnent les tons clairs et froids sur la toile. La forme se confond avec le coup de pinceau. Le néo-impressionnisme, appelé aussi « pointillisme », conteste et rationalise ces acquis. Albert Dubois Pillet (1846-1903) est un peintre autodidacte, qui adapte le procédé pictural du divisionnisme au paysage et aux sujets naturalistes. Avec Seurat, Paul Signac et Odile Redon, il fonde en 1884 la société des Artistes indépendants.
Albert Dubois-Pillet
La Dame blanche L'enterrement
L'histoire de l'art de la couleur-lumière est ininterrompue, et sa problématique travers avec une intensité variable tous les courants picturaux.
On trouvera, last but not least, un nouvel exemple de son traitement dans les toiles monochromes d'Ellsworth Kelly. Ici plus de sujet, plus de forme, plus de mouvements mais de la couleur sur un grand format. De même que les formes sont délibérément réduites à l'extrême, la couleur se limite au contraste élémentaire jaune-bleu. Le jeu de provocation, néanmoins, tout transposé qu'il est, reste le même, et le spectateur est impliqué dans une expérience visuelle qui déborde largement les limites du tableau.
Ellsworth Kelly, Two Panels : Blue and Yellow
Claude Monet (1840 Paris-1927 Giverny) s'initie à la peinture de plein air sur les conseils de Boudin, rencontré au Havre. Il côtoie Renoir, Sisley et Bazille dans l'atelier de Charles Gleyre, remporte des succès modérés avec ses tableaux de figures et est influencé par la peinture de Turner. En 1874 il expose chez Nadar une vue du port du Havre intitulée Impression, soleil levant (1872), titre qui déplaçait déjà l'accent du motif (le port) sur l'expérience visuelle elle même, sur l'instant saisi dans une paradoxale épaisseur. Les critiques se déchaînent, Jules Castagnary en particulier, et donnent au groupe de peintres de l'entourage de Monet le nom d'impressionnistes, qu'ils garderont. Monet, mettant à profit la découverte que la couleur est lumière et que de ce fait l'effet chromatique est modifié selon les intensités lumineuses, réalise des séries (celle des meules ou celle, plus connue, des vues de la cathédrale de Rouen) qui travaillent autour de la variation des phénomènes optiques selon l'heure et la luminosité, suivant un paramètre atmosphérique. Ce travail sériel, qui s'imposa en tant que principe artistique reflétant avec justesse les conditions de production de l'art à l'ère de la reproduction mécanisée, conduisait déjà à un effacement du motif, désormais secondaire, au profit du pur travail sur la perception et la reconstruction des impressions nouvelles.
Nymphéas de Claude Monet
« On sent la courbure de la terre. On a désormais les cheveux qui ondulent naturellement. On ne trahit plus le sol, on ne trahit plus l'ablette, on est sœur par l'eau et par la feuille. On n'a plus le regard de son œil... »
(Michaux, La ralentie)
On s'installe devant le tableau. On s'en imprègne. On s'y confond. On se laisse absorber. Au plus cherchera-t-on peut être, suivant le vieux précepte chinois, à venir y habiter, à en faire sa demeure, son berceau nocturne et sûr (1).
Mais en aucun cas il ne viendrait à l'esprit de chercher à l'expliquer, de tenter d'analyser la sensation heureuse qui enveloppe le spectateur à sa vue. Et pourtant...
C'est en 1893 que Monet transforme le terrain nouvellement acquis qui jouxte sa propriété de Giverny en jardin exotique agrémenté d'un étang de nénuphars. Et c'est à partir de 1895 que ces nymphéas deviennent peu à peu un motif de prédilection, puis l'occasion maintes fois renouvelées de toiles aux formats divers qui se consacrent aux notations les plus immatérielles, aux reflets aquatiques, aux frémissements des feuilles.
Ce tableau est remarquable en ce qu'il pousse à leur paroxysme et parachève les tendances à l'oeuvre dans la peinture du dernier Monet. La forme circulaire de la toile, qui tend à la constituer en monde à part entière, en terre bleue, fait disparaître l'horizon, ossature traditionnelle dans les peintures de paysage et efface du même coup tous les repères perceptifs du spectateur. C'est à cela principalement sans doute que tient le sentiment d'englobement, au sens littéral. En créant un monde qui donne l'illusion de se suffire à lui-même, Monet invite à la contemplation dans l'oubli de tout ce qui est extérieur au tableau. Que reste-t-il alors? Les nymphéas sur cette toile sont plus reconnaissables par l'habitude de l'oeil exercé à percevoir les nénuphars de Monet sous leurs taches de couleurs que par de quelconques notations représentatives. Ce n'est pas, d'ailleurs, ce qui intéresse le peintre ici, qui affirme faire peu de cas du sujet de la représentation:
« Le motif est pour moi chose secondaire, ce que je veux reproduire, c'est ce qu'il y a entre le motif et moi. »
(Senska Dabladet 1895)
Une telle déclaration, éclairante pour comprendre ce qui se joue ici, suffit à elle seule à remotiver le terme d'« impressionnisme ». Le pouvoir évocateur de cette toile, son efficacité esthétique tiennent à un travail de restitution émotionnelle qui vient à la rencontre du spectateur, qui l'invite. La toile se tient à la lisière de la figuration et de l'abstraction : elle est tout entière couleur; ou encore: elle est tout entière lumière.
Cette toile, qui n'existe qu'en rapport avec le regard singulier qui l'envisage et qui fait de ce fait ricocher à sa surface toute tentative d'élucidation objective et analytique, est infiniment ouverte, elle offre à chacun l'espace de ses propres impressions.
Nous laisserons donc le visiteur se replonger dans sa contemplation silencieuse..
(1) cf. Paul Eluard, Capitale de la douleur, « La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur »